dimanche 26 avril 2009

Eclipse


Macha, Macha, alors vous aussi vous partez ?
Vous nous quittez, nous, les "sans sommeil", ceux que vous avez éclairés la nuit, ceux qui vous appelaient, hagards, perdus, éberlués, ceux à qui vous parliez, à qui vous disiez des mots avec votre timbre si particulier.
Mais je me souviens de tout Macha, j'ai été une de ces "sans sommeil", je vous écoutais la nuit, j'attendais votre parole qui résonnait juste.
J'aimais ce qui ne peut se toucher, la qualité de votre écoute. J'aimais les compagnons de nuit noire qui se noyaient dans leurs océans de détresse et à qui vous caressiez les cheveux.
Je me demandais comment vous résistiez à toute cette misère qui s'agitait, qui tressautait ainsi dans l'opacité de la nuit, vous fallait-il boire un coup entre deux appels ? Vous fallait-il vous abreuver de quelques blagues salaces entre les coupures, griller vos cigarettes, gueuler ? Je ne sais pas comment vous avez fait mais vous m'avez toujours donné l'impression d'être totalement et uniquement attentive à ce qu'on vous disait.
Il faisait bon chez vous, il y faisait chaud, vous m'avez bercée souvent, je me suis endormie sur votre voix de cigarette qui vous allait comme une soie de star.
Star, vous l'étiez puisque vous brilliez dans nos ciels sans lune, vous étiez notre étoile du berger.
On riait aussi chez vous la nuit, on cognait à votre carreau, vous laissiez rentrer les malheurs comme les bonheurs et nous tous qui écoutions, Cendrillons de l'hexagone, faisions de nos guenilles d'insomniaques, des tenues de soirée scintillantes.
Parfois, ça cognait fort mais vous arrimiez solidement et le fil tendu entre vous et nous était tendre, doux comme un câlin.
Quand vous nous avez quittés une première fois, oh, je sais, ça n'était pas de votre faute, j'ai définitivement éteint la radio de nuit, je n'aime pas les copies.
Mais là, Macha, j'ai de la peine parce que cette fois, c'est la bonne, vous nous quittez définitivement, j'ai toujours tendance à penser que ceux que j'aime sont immortels.
Il faut tout de même que je vous dise.
Une nuit, je vous ai appelée, je n'ai pas pu vous avoir, la ligne était encombrée, forcément nous étions quelques uns à nous battre avec nos interminables cérémonies du coucher, mais j'ai réussi à dire à la standardiste que je vous aimais beaucoup et que ça me ferait plaisir que vous le sachiez.
Et vous l'avez su.
Oh, Macha, j'ai jubilé ce soir là, petit plaisir égoïste d'avoir entendu votre voix prononcer mon prénom et vous avoir entendu me remercier.
Mais c'est moi Macha qui vous remercie de toutes ces nuits passées ensemble, c'est moi, oui, qui vous remercie.
Macha, Macha...

Vous savez, ce soir, Macha, les "sans sommeil" sont tous en ligne, je crois que c'est à notre tour d'éclairer votre nuit.
Au revoir Macha et tenez nous au courant !

3 commentaires:

;-( a dit…

Oh ben merdouille... J'en ai la larme à l'œil. Et puis ton histoire est si belle. Pffffffff

Bonne nuit Macha !

Diane a dit…

Comme tu sais écrire ma Lolo. Je m'abstiens de tout commentaire ne la connaissant pas.
Mais il vient de partir son pendant québécois, laissant tous les nocturnes en deuil ici aussi.

Mangolila a dit…

Scotchée! Admiration absolue pour ce texte! Chapeau bas! Moi aussi jel'écoutais. Je l'aimais aussi. J'ai éteint la radio de nuit aussi . Ces mots , il aurait fallu les passer à l'antenne!