mercredi 3 décembre 2008

Zombiscus

En février 1997, j'ai été hospitalisée quinze jours dans un service de neurologie.
L'origine du mal ? "panick attacks" à l'américaine, "crises d'angoisse aiguës" version française.
C'était il n'y a pas si longtemps et on venait seulement de considérer l'angoisse comme une pathologie. Je suis toujours sujette aux crises d'angoisse, j'ai appris à les sentir venir et à les incorporer à mon identité. C'est une souffrance terrible quand elles sont à leur paroxysme mais l'instant d'après, elles vont décroissant. J'ai appris à me passer du comprimé qu'on laisse fondre sous la langue et qui ne crée pas d'accoutumance, en renonçant aux drogues, j'ai accepté le simple fait de devoir rester humble face à ce que je ne peux totalement maîtriser. Depuis, elles se sont largement espacées mais il arrive et il peut arriver qu'elles surviennent, traîtresses, au moment où je m'y attends le moins. Elles ne naissent jamais sans raison, mais parfois la raison m'échappe, je "lâche prise" et je guette la pente descendante.
En rangeant mes petits papiers ce soir, j'ai retrouvé le journal que je tenais à l'hôpital, il a onze ans. Je l'avais baptisé "Journal ralenti", "zombiscus" en est la première page.

"Ce dont je me souviens bien, c'est d'avoir couru, rétrécie comme un pruneau jusqu'aux urgences et m'être écroulée ensuite dans le fauteuil du psy. Il s'appelle Loriot comme l'oiseau.
Après, c'est un peu confus.
Je me suis vue dans ce lit, chambre 3, jolie chemise de nuit d'un blanc virginal à liséré bleu, pressionnée à l'arrière, incroyablement sexy !
Je me sens alors incroyablement triste.
Après, après, après, on entre en soins comme on entre au carmel, en silence ! Cathlon dans l'avant bras droit et tranxène 50 en perfusion. J'infuse ! C'est bien le tranxène, ça fait dormir. Goutte après goutte, le silence se fait plus dense, la pensée s'évapore et on peut gambader dans une forêt de rêves dont je ne me souviens plus au réveil.
Quand l'enchantement se rompt, j'ai droit à une moitié de comprimé rose, une nouvelle petite perf, une autre moitié d'un autre comprimé et des anti-dépresseurs et puis vient le temps de la confession.
- qu'est ce qui vous provoque ces bouffées d'angoisse ? dit le psy,
- ?
Fichtre, comment répondre à une telle question ?
(Ici est la fin de la première page)
Sur la deuxième, j'ai écrit ceci au milieu de mon grand cahier
"Il me manque le nom de ce fichu collyre, vitacic et l'autre c'est quoi ?
(j'ai attrapé une vilaine kératite et entre deux coups de tranxène, j'avais mal aux yeux)
La troisième page est bien plus longue, elle fera l'objet d'un autre billet.
Ca me fait presque plaisir de me relire, je n'ai pas tant changé que cela, mes grandes lignes restent identiques et même shootée à mort comme je l'étais, je reconnais le verbe comme mien. ;-)

3 commentaires:

Diane a dit…

1997... Clément était bien jeune et toi chargée de tout toute seule!
Les crises d'angoisse me guettent aussi mais pas si fortement.
Il faut que je me parle, que je me retire et ça va, ça vient.
C'est courageux de l'écrire ici.
Zombiscus ouverte comme un magnifique grand livre avec tout plein de facettes et de belles images. D'une écriture a couper le souffle que je me demande encore d'où viendra le livre que tu écriras, parce que sinon c'est pas possible que tout reste emprisonné dans un blog...

Je danse sur un fil a dit…

Ma Diane, je t'aime !
J'ai relu le "journal ralenti", il n'est pas si long, quinze jours !
Mais j'ai décidé de le mettre en ligne, ça m'allège, je ne sais pas d'où je peux dire cela mais je sais qu'en le livrant au petit public que j'ai ici puisque je ne suis pas trouvable de l'extérieur, je sais que je ne suis pas jugée et c'est ça qui m'allège.
Pendant le temps de l'hospitalisation, Clément était pris en charge par ma belle soeur, pour lui, ça s'est bien passé mais il était au courant de mon hospitalisation. Comme il n'y avait pas de drame à faire, il l'a bien vécu.
Et puis dans le service de neurologie, j'ai fait de belles rencontres et mon père était là un jour sur deux à me regarder dormir, mais il était là ! Finalement, c'était un temps presque heureux, tu verras.
Je t'embrasse fort

Anonyme a dit…

"Mais j'ai décidé de le mettre en ligne, ça m'allège"
Je comprends ton envie, et je pense que ton expérience servira à d'autres.
Je reconnais aussi ton écriture, ton style. J'aime tes mots.