jeudi 30 octobre 2008

Ecrire ?



"Les mots qui vont surgir savent de nous des choses que nous ignorons d'eux"
René Char
Extrait de " Chants de la Balandrane"

En lisant Leiloo hier, quelque part sur son blog ou ailleurs, j'ai noté que la blonde enfant pensait à écrire et me sont revenus ces mots de René Char.
Je n'ai eu aucun mal à me les rappeler parce que René Char est né à l'Isle sur la Sorgue, petite commune sublime du Vaucluse mais trop courue en saison.
J'aime y aller à cette époque, à un endroit très particulier qui s'appelle "Le partage des eaux"
C'est le lieu où la Sorgue se sépare en deux rivières, c'est un lieu joyeux et bondissant, l'eau est vive et fraîche. René Char lui a d'ailleurs consacré des vers éblouissants.
Et puis plus haut, à Fontaine de Vaucluse, se trouve un extraordinaire petit musée, mon chouchou dans le coin, "le musée Pétrarque" où on côtoie à les toucher les poètes Char, Pétrarque et Braque le peintre.
Ce grand CA, pour dire que l'écriture, si elle est parfois naufrage, ne fait que demander, exiger, elle hurle avec les loups, blesse, crie, geint, vole et invente, mais elle est surtout comme l'eau du partage, indispensable.
C'est ce que j'avais à te dire Leiloo, vas-y, lâche tes mots dans la tempête, eux te connaissent mieux que toi.

Le Marteau sans maître, 1934

Commune présence


Tu es pressé d'écrire,
Comme si tu étais en retard sur la vie.
S'il en est ainsi fais cortège à tes sources.
Hâte-toi.
Hâte-toi de transmettre
Ta part de merveilleux de rébellion de bienfaisance.
Effectivement tu es en retard sur la vie,
La vie inexprimable,
La seule en fin de compte à laquelle tu acceptes de t'unir,
Celle qui t'est refusée chaque jour par les êtres et par les choses,
Dont tu obtiens péniblement de-ci de-là quelques fragments décharnés
Au bout de combats sans merci.
Hors d'elle, tout n'est qu'agonie soumise, fin grossière.
Si tu rencontres la mort durant ton labeur,
Reçois-là comme la nuque en sueur trouve bon le mouchoir aride,
En t'inclinant.
Si tu veux rire,
Offre ta soumission,
Jamais tes armes.
Tu as été créé pour des moments peu communs.
Modifie-toi, disparais sans regret
Au gré de la rigueur suave.
Quartier suivant quartier la liquidation du monde se poursuit
Sans interruption,
Sans égarement.


Essaime la poussière
Nul ne décèlera votre union.


René Char

Si tu savais ce que j'en ai de feuilles noircies, de petits carreaux prisonniers, de carnets remplis qui ne verront jamais la lumière...


3 commentaires:

Anonyme a dit…

Après ton message, je ne sais pas quoi écrire, Lolo.
C'est un comble ! ;)
(...)

Elle me tenaille cette écriture. De frêles pensées qui prennent vite la fuite devant la feuille.
Je les tenais pourtant !
Je pense être trop scolaire ... Si je vois un sujet qui traîne sur le net, de suite mon cerveau s'affole. Mais sans cette étincelle, les mots restent en moi. Un peu comme si j'avais besoin d'un sujet pour écrire. Mais si on me donne un thème, je le triture et le recrache.

Le poème de Char brosse un joli portrait de l'écriture.

Et toi, ma Belle, comment te viennent ces mots que tu jettes sur le papier ?
Te connaissant, il doit y avoir des tempêtes sur ces papiers. De belles graines, aussi.

Je t'embrasse.

Diane a dit…

Il y a des siècles Leil que je te demande d'écrire en douceur alors j'endosse pleinement les mots de Lolo a ton égard... tu écris "éparsement" et les mots se relieront un jour.

Tu écris si bien.

Je danse sur un fil a dit…

C'est drôle, je crois que je ne sais pas écrire sur un thème donné.3Mais assez curieusement, j'écris régulièrement sur des thèmes récurrents.
Les grands thèmes de la vie : l'amour, la mort, la vie et ce qu'elle signifie. Ceux là reviennent en boucle.
Mais j'aime l'idée du thème car il m'oblige à une autre forme de réflexion, ça démarre tout azimut et puis ça se rééquilibre, jusqu'à ce que ça ait l'air construit ou un peu construit.
L'idée pour moi est plus d'amonceler de ces carnets que de les dévoiler au grand jour. je n'ai pas franchement peu de l'avis d'autrui mais l'écriture c'est mon lexomil personnel, il n'y a guère que moi pour le prendre, je ne voudrais pas me tromper de posologie.
L'écriture, c'est ma barrière de corail et mon souffle aussi. Ce que je confie à ma moleskine ne sera jamais de l'ordre d'un blog virtuel, je m'applique à l'écriture, je taille mes crayons, sur l net, je fais dans la rapidité et je ne sature pas l'espace de mes inclinaisons de tête ou de suçaillettes desdits crayons, sur le net, je n'encombre pas l'auditoire de mes larmes qui détrempent mon papier, ni de cette musique que je dois écouter sous peine de manquer de veine. L'écriture m'est une masturbation nécessaire, elle est mon guide lignes dans la fange, elle est mon bain, elle est mon labeur et ma vertu.
Elle m'est aussi vitale que personnelle.