mercredi 22 octobre 2008

Pause tendresse

On s'essouffle, vous avez remarqué ?
A la pause à midi, j'ai déjeuné dans le bureau, seule et au calme. J'avais pour m'accompagner ma grande et merveilleuse amie Colette.
Quand j'ai besoin de beau, je lis Colette, j'aime ses descriptions un rien lyriques, j'aime la femme, celle qui éructe et qui est capable de provocations, mais j'aime aussi tellement celle qui parle la campagne avec son accent à couper les ceps de vigne, l'extraordinaire contemplative qui vous restitue en deux lignes le goût de la figue et le parfum des roses. J'ai eu l'occasion d'entendre sa voix une fois, totalement truculent, ça sent le boudin noir et le vin rouge, ça sent les arpents du bon dieu sûrement et la vie comme elle coule.
Je lisais " la chambre éclairée", Colette est dans le Limousin, c'est la guerre et elle est avec sa fille Bel Gazou, on connait peu la mère qu'elle fut, elle le fut d'ailleurs assez mal mais ne s'en cacha pas. Pourtant au détour des lignes lues, alors que Colette manque de tout et principalement de lumière, de bougies, de pétrole pour s'éclairer et surtout lui permettre d'écrire, elle s'occupe de sa fille, elle la regarde vivre et elle l'écoute raconter. Ce sont là des pages sublimes comme Colette sait les écrire.
Et puis, parce que nous avons tous été remués par les événements du maquis et le sort réservé aux animaux, ai-j besoin de rappeler que Colette fut une immense amie des bêtes et de cet amour naquirent quelques belles ouvrages.

Cher Hamel, ma fille m'enchante. C'est une grosse fille des champs, rougeaude, dodue, gaie, y-a-t-il mieux à en dire ? L' oeil et le regard sont d'une vivacité et d'une variété charmante. C'est une sacrée petite femelle qui fait des grâces au premier mâle qui passe, le télégraphiste, le jardinier, le maçon. Elle ressemble à Sidi, et à moi aussi. Elle a un superbe petit corps robuste, très bien fait, des cuisses et des mollets durs, la fesse agressive, et une chute d'épaule qui sera sans doute belle.

Lettre de la vagabonde.

Castel-Novel, 14 mars 1914


et pour ma Rose du lac autour des bois, ce petit extrait :

Le temps, nuages et soleil, n'empêche pas les roses de fleurir. Hélène, je n'ai jamais vu tant de roses, ni tant de variétés. Il y a ici des roses d'exposition horticole. Plus on en coupe, plus elles fleurissent. Germaine, en partant ce matin, a emporté un bouquet tout humide, cueilli par moi à sept heure 1/2, rien que des roses, et des roses merveilleuses. Nous avons les luxueuses roses blanches, à reflets carnés, la jaune en arbre, qui sent la brune et le cigare, la pourpre-noire, la Néron parfaite; les haies qui bordent la route montante sont en Bengale... Je ne peux tout te dire ! Dans la bibliothèque, les trois bouquets que j'ai cueillis ce matin valent trois cent francs à Paris. Cela m' enivre et me désespère. Je ne les verrai jamais toutes !

Lettre à Hélène Picard
Printemps 1923


Placez votre souris sur les caractères bleus, je n'ai pas pu changer la couleur :-(

Et si vous le voulez, vous écoutez "Faraway Voice" de Katie Melua



4 commentaires:

Anonyme a dit…

Je n'ai pas lu beaucoup de livres de Colette, mais j'ai été charmée par la musique de son écriture à chaque fois.

Merci pour Melua. J'aime beaucoup. :)

Diane a dit…

Idem pour moi, c'est une écriture qui coule dans l'âme et le coeur tout naturellement.

Anonyme a dit…

De Colette, je connais par coeur "La Chatte", livre dont la reliure est élimée à force d'avoir été manipulée. Ma Tara a d'ailleurs bien failli s'appeler Saha tant j'aime la chatte de ce roman.

J'aime aussi Colette, l'écrivaine de talent qui possède un vrai sens de l'écriture.

Par contre... amie des chats, je demeure réservée... J'ai entendu lors d'une émission un proche de Colette, qui a d'ailleurs écrit une de ses biographies (ou sa biographie je ne sais si plusieurs ont été éditées) qui expliquait qu'elle pouvait avoir des comportements vifs, autoritaires et brusques avec ses chats. Chats dont elle se débarassait purement et simplement dans une poubelle lorsqu'ils passaient de vie à trépas (dixit)...

Elle en a eu beaucoup, nous le savons ; mais nous ne saurons jamais comment elle partageait sa vie avec eux...

Le mystère restera entier.

Cela n'empêche pas sa plume de danser lorsqu'elle parle de Saha dans "la chatte" ; on sent son osmose avec le monde des félins. Il y a des passages qui me bouleversent à chaque fois que je les parcours.

Merci Bella pour ces lignes douces à mes iris et à mes oreilles.

Un article parfumé à souhait :-)

Tendresse infinie.

Rose

Je danse sur un fil a dit…

Horreur !!!!!!
Rosinette mais que dis tu là ???
Ma légende vient d'en prendre un sacré coup :-(
En même temps, je ne suis qu'à moitié étonnée, de la part du personnage qu'elle fut, dans l'excès et dans la démesure. n'empêche que je suis choquée.
Je vais lui dire deux mots lors de mon prochain passage au Père Lachaise, en général elle me répond :-)

ps : j'ai adoré "dialogues de bêtes" mais le livre que j'ai le plus aimé et qui a accompagné ma tante vers l'autre rive, c'était "La naissance du jour", elle l'aimait tant, je l'ai aimé aussi.