jeudi 19 juin 2008

Du sang, du sang !

Je suis allée donner mon sang ce soir, oui, je sais, c'est bien.
Il y avait beaucoup de monde et ça aussi, c'est bien, les réserves sont assez basses à cette période de l'année. Certains donneurs se sont fait piquer le bout du doigt, pour vérifier leur taux de globulons, c'est un examen qui est prescrit aux nouveaux donneurs et à ceux qui n'ont pas donné depuis deux ans. Je ne trouve pas si mal qu'on vérifie un peu plus. J'enrage toujours de ne pouvoir donner ni mon plasma, ni mes plaquettes alors que je suis une candidate plus qu'idéale, mais à la suite d'une réaction allergique d'un donneur qui prend le même traitement que moi, les établissements français du sang ont suspendu à tout jamais cet autre genre de don pour les personnes souffrant de cette affection (asthme), dommageable, mais on ne badine pas (plus) avec la sécurité.
Bref, je remplis mon questionnaire à la vitesse supersonique, je passe devant le toubib, non, non, non, je ne suis ni tatouée, ni piercée, je n'ai pas voyagé hors de l'Europe depuis trois ans, je ne suis pas non plus allée dans les îles britanniques, je n'ai pas plusieurs partenaires, diantre, qu'est ce que je ferais de plusieurs partenaires ? Je ne crois pas qu'un membre de ma famille ait jamais été atteint par la maladie de Kreuzfeldt Jacob (je le saurais, ils sont huit en France), non, je ne suis pas diabétique, oui, je me sens en forme pour donner mon sang, ouais, j'ai une super tension de jeune fille 12 8, combien je pèse ? euh ? où est la balance ? ah y'a pas de balance, bon alors, environ ???? non, je ne suis pas encore ménopausée, mais oui, ça va venir, etc, etc...
Je grimpe sur le lit (je ne suis pas tout à fait certaine que cela s'appelle ainsi)mais je grimpe quand même, allez zou, bras gauche, la dernière fois, c'était le droit, faut alterner. Il y a un monsieur à côté de moi un rien blanchouillard, je le rassure, pfft, mais non, ça fait pas mal, mais non, ils ne vont pas vous tirer 8 litres, vous rigolez ? mais oui, j'en suis sûre.
Petite infirmière sympa, je discute deux secondes, elle est jeune et elle cherche ma veine, je la lui indique "ah vous en avez de jolies veines !" (oui et de sacrées déveines aussi, mais je ne lui dis pas)
"je vais piquer
- allez-y
- voilà, c'est fait,
- merci !"
On ne se défait pas d'une éducation, c'est moi qu'on pompe et c'est moi aussi qui remercie mais c'est comme ça !

Le croirez-vous ?

Je me suis endormie !!!

10mn d'une bonne petite sieste réparatrice sous les yeux ébahis m'a-t-on dit des autres donneurs.
Et ben c'est comme ça, et ça m'a fait beaucoup de bien.
Je note qu'aujourd'hui, sans doute un effet de la chaleur, plus d'un ont eu le fameux petit malaise vagal dont le monsieur à côté de moi qui ne s'est pas remis de ma ronflette. Au goûter post don, il a piqué du nez et s'est retrouvé dans la chaise longue. Vous me connaissez, je suis brave, je l'ai éventé.
Pourquoi je donne ?
Un jour, il y a très longtemps, aux urgences d'un hôpital de province est arrivé un jeune homme polytraumatisé, véritablement fracassé de partout, j'entendais les médecins qui hurlaient : "demande des poches à la transfusion". J'ignore la quantité de sang qu'on lui a transfusée, mais je me rappelle qu'un coursier courait fréquemment pour en rechercher.
Il était 21h et je terminais mon service, j'étais encore nouvelle et pas trop au fait de ces choses là.
j'ai juste pensé vers 21h05 ce que pense la majorité des gens qui donnent. " et si ça m'arrivait? si ça arrivait à l'un de mes proches et qu'on me dise qu'on ne peut pas le sauver parce qu'on n'a plus de sang ? "
Je ne suis pas en train de m'ériger comme moralisatrice du sud de la France, j'ai déjà tout entendu sur les dons du sang, les corruptions et tout le barda, ce qui me fait avancer c'est le mot don, parce que c'est gratos, que du sang, ça se refait, que peut être ce soir, je vais aider quelqu'un qui n'a pas tout à fait envie d'aller rejoindre Dieu le Père. Je ne pense jamais à cela quand je donne, j'y pense en l'écrivant.
Je pense que c'est bien aussi d'être cohérent avec soi-même.
Je pense à ma petite plume décédée il y a cinq ans, d'une foutue leucémie de merde, plus aucun sang ne pouvait la sauver et elle a pourtant été transfusée souvent. A quoi ça a servi ? Je ne me pose pas ce genre de questions, elle n'a pas vécu d'accord, elle n'aurait pas vécu longtemps de toute façon, elle aimait l'histoire que je lui racontais, je lui parlais d'un conte de pois de senteur, elle entendait "pois de cent heures", ça a servi à cela ses transfusions, à ce que je puisse lui faire briller les lèvres avec de la pommade Rosat rose et à ce que ses parents, grands-parents et amis la bercent, la caressent, l'aiment, lui disent et lui racontent des histoires qui la fassent rire.
La suite de l'histoire ne nous appartient plus.

J'ai demandé au monsieur blanchouillard si malgré son malaise, il allait revenir, il m'a promis que oui.

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