S'il est une activité qui m'apaise, c'est bien la marche ! Flanquée des deux poilus que l'ascension transporte d'allégresse, nous allons marcher à la Colline St Eutrope, sur les hauteurs d'Orange.
Le panorama y est allégorique et la promenade idéale.
Le jeu consiste en général à flâner nez en l'air pour la bipède, truffe au ras du sol pour les quadrupèdes, je me classe dans le peloton de tête de ceux qui se font cingler les joues par les branchettes démoniaques, les poilus, compissent élégamment le parcours et marquent leur territoire tous les trois mètres.
Je marche silencieusement. Je ne suis pas dans une solitude recluse, je suis à l'écoute, très souvent, je m'entends avec une acuité qui parfois me fait peur.
Si j'ai trop peur, je presse le pas, les poilus en font autant, mais eux sont déjà aux aguets, conscients que le paysage est en train de changer.
Alors, pour couvrir le tumulte, je siffle, je chantonne, je ralentis la cadence. Quand je pense que mes trémolos s'essoufflent, je m'assieds sur un banc et je contemple. La contemplation étant une autre de mes activités favorites.
Aujourd'hui, sur la Colline, j'ai eu beaucoup de chance. La guinguette était ouverte, la guinguette, c'est le lieu préféré des soixante et plus, ils y viennent danser. D'avril à septembre, la guinguette ouvre ses portes du vendredi au dimanche. Alors pour ne pas louper une dernière valse, les danseurs s'endimanchent, se fardent, cirent leurs chaussures et ajustent leurs corsages et s'en vont tourbillonner des heures durant. C'est un des spectacles que je préfère, j'adore voir ces femmes et hommes, à la charnière du temps, dans celui qui leur manquera bientôt mais pour lequel ils ne sont pas encore prêts à concéder une seule miette du gâteau, j'aime les voir parce qu'ils sourient.
La danse réunit les corps, mais elle fait surtout naître le sourire. La danse culbute allègrement les âges, elle enlace et elle embarque, pour le reste, il suffit d'avoir les pas ou de se laisser porter.
Ce soir, donc, au détour d'un petit sentier qui sentait la sarriette, et oui, on est en Provence ! j'entendais des accords de musette, curieuse comme les chèvres, je me propulse et oui, oui, la guinguette accueillait quelques jolis minois. Christiane, ma Christiane était là, fidèle. Christiane c'est la belle dame blonde à la robe noire, la soixantaine étincelante, des jambes à tomber, une vraie nature. Une du pays de Nyons là où poussent les plus belles olives.
Une nature que cette Christiane ! Fille du sud jusqu'au bout des orteils laqués, Christiane aime le bling bling et a le verbe haut, elle parle et dit, et si ça ne vous plaît pas, vous n'avez qu'à aller voir ailleurs.
Nous devisons gaiement et décidons de dévaler la colline pour aller prendre un petit verre au St Pierre.
Parce que dans la cour intérieure du St Pierre, on y est particulièrement bien.
Le temps c'est ça ! une aile de libellule, un morceau d'éphémère, une petite musique sacrée, une couleur, un instant dont on sait qu'on ne le retrouvera plus jamais, filé entre les doigts mais qui dépose sa petite empreinte et vous en lègue le souvenir.
Toujours bien entretenir les petites pioches qui nous rendent heureux pour un instant, ne croire qu'aux instants et les additionner.
mardi 17 juin 2008
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1 commentaire:
Ne croire qu'aux instants et les additionner...
C'est aussi ma croyance profonde, sinon la vie n'a pas de sens.
C'est une description si vivante. A relire et t'imaginer sur tes collines, déboucher sur la danse avec les chiens qui hument et les branchailles au visage qui pincent les joues.
Écouter le temps qui passe. C'est d'un délice, d'un délice!! Marcher en écoutant le temps c'est un calmant naturel. Marcher juste marcher déjà ça l'est et ça aide a relativiser quand les souffrances veulent pointer au coeur.
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